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samedi 5 avril 2008

Sans-fil d'Ariane dans le cyberespace


Le week-end dernier, je me suis retrouvé à guider au téléphone une jeune retraitée qui, s'étant abonnée à l'ADSL il y a peu, souhaitait remplacer l'antivirus qui lui avait été fourni avec son ordinateur, dont la période de gratuité était échue, par un antivirus gratuit.
Cette personne n'est pas néophyte en informatique : elle a longtemps utilisé professionnellement les principaux outils de bureautique et des applications comptables complexes. Elle avait bien cerné son problème, elle savait même qu'elle recherchait par exemple l'antivirus Avast (celui justement que nous utilisons sur mon lieu de travail) et avait déjà fait la recherche correspondante dans Google.
Par contre, elle ne maîtrisait pas du tout les codes de la navigation sur internet, qui paraissent presque évidents à toute personne ayant un peu de pratique : comment interpréter une liste de résultats de recherche ("Il y a plusieurs Avast, lequel je choisis ?"), comment télécharger une application, comment utiliser un utilitaire d'installation de logiciel,...
Nous sommes parvenus à nos fins en quelques minutes et du premier coup, mais cette expérience confirme une réflexion que je me suis souvent faite ces derniers mois :
Même si les fournisseurs d'accès à internet proposent désormais presque systématiquement une installation à domicile à un prix symbolique, une fois les installateurs repartis les usagers se retrouvent tous seuls, sans guide pour naviguer dans le cyberespace. Ceux qui n'ont pas la chance d'avoir près d'eux quelqu'un pour les aider n'ont à leur disposition que le recours aux terribles services d'assistance téléphonique à distance à 34 centimes la minute, quand ça ne marche pas techniquement, et quasiment rien d'autre quand il n'y a pas de panne et qu'il s'agit d'apprendre à utiliser l'internet.
L'offre du secteur privé est encore limitée dans ce domaine mais, même si ce n'était pas le cas, il y a évidemment pleinement la place pour une mission de service public, une mission d'éducation et de formation. Et qui est susceptible de se positionner pour remplir cette mission ? L'Education Nationale ? Elle a entrepris de le faire pour la formation initiale, mais a toujours des difficultés à intervenir dans la formation tout au long de la vie. Les M.J.C. et centres sociaux ? Pourquoi pas, mais vous me voyez venir, il me semble que les bibliothèques ont tout intérêt à investir massivement le créneau de la formation et du conseil pour la recherche d'information. Après tout, à quoi leur servira de constituer et de mettre à disposition de belles collections numériques si leurs usagers n'ont pas les clés pour en profiter pleinement ? Ce serait comme proposer des collections de livres à une population d'analphabètes et rester les bras croisés sans s'étonner qu'ils ne soient pas consultés.
Cette offre de formation et de médiation existe déjà dans de nombreuses bibliothèques, de lecture publique ou universitaire, elle doit être clairement comprise comme l'une des missions importantes des établissements. Ce qui, en clair, signifie qu'on y consacre des moyens et qu'on y affecte du personnel, formé et rémunéré correctement. Ce qui signifie aussi que l'informatique au service du public dans une bibliothèque, ça ne peut pas se réduire éternellement à quelques ordinateurs relégués dans un réduit avec quelques jeunes passionnés recrutés sur contrat aidés qui se démènent pendant que les "vrais" bibliothécaires se consacrent à leur "vrai" travail de bibliothèque.

J'en étais là de mes réflexions et de la rédaction de ce billet quand, mercredi, en faisant mes courses dans ce supermarché culturel, je suis tombé en quelques pas sur trois supports de communication imprimés faisant la promotion d'un service lancé par la FNAC en octobre 2006.
Si les supports de promotion étaient aussi en vue dans le magasin, c'est qu'après une grosse année de rôdage la FNAC a décidé de mettre le paquet sur ses services d'assistance à domicile.
Ce qui confirme, s'il en était besoin, qu'il y a un énorme besoin dans ce domaine, et même un marché. Et la FNAC entend bien se positionner en tête sur ce marché, quitte à se contenter de mettre en avant son image de marque et à jouer avec l'esprit des règles, sinon avec leur lettre, puisque, la loi interdisant à un vendeur de biens matériels de proposer des services à domicile, ce sont en fait des employés de Form@home, une autre société du groupe Pinault-Printemps-Redoute, qui débarquent chez les clients seuls face à l'informatique.
Et dans quelles conditions cette formation à domicile est-elle proposée ? Dans des conditions qui, bien sûr, réduisent le public potentiel à une frange relativement aisée de la population : près de 150 € pour 2 h de formation sur mesure à domicile, avec la possibilité d'une déduction fiscale de 50 % de la dépense l'année suivante au titre de la loi sur les services à la personne.
Dans ces conditions, on peut parier qu'il y a largement la place pour une offre ouverte au plus grand nombre élaborée par les bibliothèques.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

bravo pour cette proposition, pas si facile que ça à faire, et qui va je pense effectivement dans le bon sens. on trouve normal de porter des livres chez des personnes âgées, pourquoi pas y aller pour les aider à se former à la recherche. il s'agit là aussi d'une action possible en direction des centre sociaux et autres associations : former ceux qui vont former les personnes. (j'aime beaucoup aussi l'épidémie de wifite)

Anonyme a dit…

Je travaille moi-même dans un espace numérique au sein d'une bibliothèque. J'ai aussi rencontré ce genre de cas. Je dois dire que l'idée est louable mais ne nous trompons pas de métier. Lorsque ma voiture est en panne, c'est au garagiste que je m'adresse et pas à la bibliothèque pour me former à la mécanique. Idem pour l'ordinateur. La recherche documentaire est une chose, le dépannage en est une autre.

JC Brochard a dit…

Anonyme,
Je suis parti de l'exemple de quelqu'un qui avait besoin d'un dépannage, mais ce dont je parle dans ce billet, c'est bien de développer les actions d'initiation et de soutien à l'utilisation de l'informatique dans les bibliothèques, comme vous le faites déjà dans votre espace numérique.
Je n'ai pas évoqué l'idée que les bibliothèques assurent le dépannage informatique, à domicile ou non...

JC Brochard a dit…

Allez. Oublier tout ce que vous venez de lire dans ce billet. Oubliez un instant que Couv Ill En Coul est actuellement en repos (qu'on ne souhaite pas éternel). Et pour avoir la plus parfaite illustration de ce dont il était question ici, précipitez-vous sur le site officiel des Bidochon pour y consulter en avant-première les premières planches du tome 19 de leurs aventures, "Les Bidochon internautes"...!