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mardi 11 mars 2008

Passe ton BAS d'abord



La session 2008 du concours de bibliothécaire adjoint spécialisé a eu lieu la semaine dernière et l'intitulé du sujet, sur l'impact de la prise en compte des demandes de l'usager sur le métier de bibliothécaire, ne peut que m'intéresser. Il me semble d'ailleurs qu'on pourrait le poser sans rien y retoucher aussi bien au concours de bibliothécaire qu'à celui de conservateur.
Notons que ce sujet de composition, s'écartant des territoires rebattus de l'impact de l'informatique et des technologies de la communication, poursuit une série remarquablement centrée sur la prise en compte des usagers lors des trois dernières sessions de ce concours :
  • Actions favorisant l'autonomie des lecteurs en leur faisant connaître les outils et les services de la bibliothèque (en 2007)
  • Offre de produits et de services sur place et à distance pour accueillir, orienter et aider à la recherche d'information (en 2006)
  • L'évolution récente des catalogues de bibliothèques permet-elle de répondre aux besoins des usagers ? (en 2004)
En fait, ce sujet est tellement susceptible de m'intéresser que, même si j'en ai fini et probablement bien fini avec les concours, je serais presque tenter de me lancer dans une réponse à la question posée.
Je ne vais pas aller jusque là, mais je sais en tout cas quelle aurait été la teneur de mon introduction :
En théorie, la prise en compte des demandes des usagers ne devrait en rien modifier le métier de bibliothécaire. Pourquoi ? "Parce qu'une bibliothèque sans public n'a pas de raison d'être", comme dirait l'autre. C'est à dire que, une fois fixés par son autorité de tutelle les grands axes de mission d'une bibliothèque donnée (Tu fourniras une documentation large et variée à la population d'un territoire donné, Tu fourniras aux étudiants et enseignants d'une université une documentation leur permettant de mener à bien leurs études et leurs recherches scientifiques, Tu conserveras et mettras à la disposition du public une collection précieuse,...), la prise en compte des besoins et des demandes de l'usager, réels ou supposés, devrait être une préoccupation constante du bibliothécaire à toutes les étapes de son travail : constitution et traitement de l'offre d'information, mise à disposition au public, élaboration des outils d'information des usagers et d'une offre de services.
Ca, c'est la théorie, et c'est seulement parce que, en pratique, les bibliothécaires se sont trop souvent concentrés sur le segment du métier en amont du public (acquisition, catalogage) que, la baisse de fréquentation aidant, les pratiques et les exigences des usagers évoluant parallèlement avec le développement des technologies de l'information, les bibliothécaires ressentent de plus en plus crucialement la nécessité de prendre en compte les demandes de l'usager dans l'exercice de leur métier.

Voilà. Je n'affirmerai pas que le jury attendait des réponses sur ce ton là, mais de toutes façons je sais que, en l'état de mes connaissances, je n'aurais eu aucune chance de réussir ce concours, l'épreuve de "Rédaction des notices bibliographiques de monographies et de publications en série en langue française et en langues étrangères", même avec les normes officielles autorisées, aurait été rédhibitoire pour moi !

10 commentaires:

md a dit…

Et si je ne m'abuse, on a eu un sujet dans le même genre l'an dernier pour le concours de bib ; ça parlait des moyens de prendre en compte l'expression des usagers - j'ai toujours pas compris la question, d'ailleurs ;-)

Bibliobsession a dit…

Mais c'est un sujet 2.0! :-)

JC Brochard a dit…

Mais tout à fait Bibliobsession !
J'ai le plaisir de t'annoncer que, pour cette épreuve, ta note est de 2.0 sur 2.0 !

Bibliobsession a dit…

ah mais alors c'est noté sur 2.0? :-)

Yvonnic a dit…

Un élément de réponse est apporté par Claude Poissenot dans les résultats de son enquête de 2005 sur les choix et les critères d'acquisition des bibliothécaires en situation de crise budgétaire (que l'on peut ramener assez facilement à la notion de crise tout court pour cette question, par exemple la baisse de fréquentation): www.abf.asso.fr/IMG/doc/poissenot.doc

La prise en compte, réelle, des besoins des usagers dans les politiques d'acquisition me semble être la SEULE et unique question fondamentale qui se pose à nous actuellement. La question des moyens reste assez accessoire parce qu'en amont, tant qu'ils sont TOUS utilisés (et pas seulement la mise à disposition d'outils favorisant leur autonomie dans la bibliothèque, mais des outils leur permettant l'expression de leurs désirs ). Le reste est bien une question de choix.
A savoir : Puisque, technologie aidant, je ne PEUX PLUS dire, comme "avant", que les besoins de mes usagers n'étant pas clairement identifiables ,c'etait donc mon choix , ma pratique et ma déontologie qui s'y substituaient "naturellement", que se passe t'il maintenant que ce n'est plus vrai ?

Militons donc avec ardeur pour une loi sur les bibliothèques qui obligerait à définir et lister dans une "charte des moyens" les moyens mis en place pour recueillir l'avis du public,et sanctionnerait les professionnels (lecture publique, évidemment)
1) qui n'auraient pas mis en oeuvre les moyens maximum de prendre en compte l'expression de leurs usagers (mais si, Marlène, c'est tres simple)
2) qui, bien que l'ayant fait, n'en auraient pas tenu compte dans la concretisation de leur politique d'acquisition.

Bibliothèque = Public, disait quelqu'un.

Appliquons enfin ce beau programme."Prendre en compte les usagers" ne doit plus être une formule ou un sujet de concours mais une pratique au quotidien.Comment peut-on dire que l'on répond aux besoins des usagers par des catalogues, du web ...ou des gommettes, tant que l'on n'a pas défini et recensé ces besoins ?
40 ans d'hypocrisie et de réthorique douteuse s'écroulent .

Parmi les nombreux blogs de bibliothèques qui existent, je n'en ai pas trouvé un qui pratique une réelle interactivité avec le lectorat. "Donnez votre avis sur les acquisitions de la bibliothèque" semble être l'Anapurna du dialogue et de la prise en compte des lecteurs. Ce qui prouve bien que ce n'est pas une question Web 2.0.

JE definis les besoins du public et JE lui offre les moyens de s'y retrouver dans MON offre.

Cher lecteur, le cahier de suggestions est à ta disposition depuis 1960 à la banque de prêt. Utilise-le avec modération.Désormais tu peux aussi dire la meme chose sur l'Opac Web.Le changement dans la continuité.

Ben tiens...

Ayatollah Poldoc

Bibliobsession a dit…

Mes remarques précédentes sur ce sujet étaient une boutade hein.

Belle question en effet que celle de la participation des usagers dans nos acquisitions, mais je ne suis pas du tout d'accord avec Yvonnic, même si je reconnais que nous avons des efforts à faire pour aller au delà du cahier de suggestion.

Sur cette question nous avions eu un débat avec Nicolas Morin en commentaire de ce billet : http://www.bibliobsession.net/2006/11/06/services-web-20-dans-les-bibliotheques-vers-des-bibliotheques-20/ Je n'ai pas changé de position depuis. C'est un mythe de croire que l'on peut construire une collection à coup de suggestions de lecteurs, quelque soit la forme qu'elle doivent prendre. Par contre, vous avez raison sur notre déficit d'outils et de communauté nous permettant de mieux prendre en compte les pratiques et les besoins des usagers.

Non la participation des lecteurs aux politiques d'acquisition n'est pas LA question, c'est une des questions (même si on "achète avec des usagers", la question est toujours, comment "susciter des parcours de découvertes"...), et non le 2.0 est loin de devoir se limiter au transfert du cahier de suggestion sur le web...d'ailleurs en ce qui me concerne, c'est bien la raison pour laquelle je préfère la notion de communauté et celle de "médiation numérique", pour montrer que le web 2.0 est l'un des éléments du contexte...Effectivement, du chemin reste à faire.

Yvonnic a dit…

@bibliobsession
Nous avons toujours fait de la médiation,et initié des "parcours de découverte" me semble t'il,et bien avant le web, croyez le bien (j'ai trente ans de métier dans des structures de proximité...oui je sais ça fait ringuard de dire ça). Et il semble bien que cela ne suffise plus.Mème si la technologie nous permet effectivement d'aller plus loin dans ce domaine.Et je vous rends hommage à ce sujet, visitant souvent votre blog,bourré d'idées.

Mais le "plus d'outils" ne sucitera pas automatiquement un changement de mentalités dans la prise en compte des désirs d'un public qui a considérablement changé, y compris dans sa façon de considérer le service public et ce qui lui est "dû" à ce titre.

Bien sûr qu'aucune politique d'acquisition cohérente ne peut résulter de la simple addition de désirs individuels.Mais il y a peut-être des moyens nouveaux à mettre en place, et à institutionnaliser, pour prendre en compte ces désirs.

Fondamentalement,que faisons-nous depuis 40 ans ? Nous acceptons au compte-gouttes et en nous pinçant le nez, d'acquérir ce que le lecteur veut, réclame, exige (de plus en plus), comme si nous tolérions avec aigreur et parcimonie une intrusion dans notre domaine privé. Et cette tolérance leur est devenue intolérable.

Une collègue me disait "s'ils savaient à quel point on est dans la merde avec nos chiffres en baisse, ils en profiteraient pour nous demander la lune" Peut-être bien que c'est déja commencé (heures d'ouverture, services à distance, assistanat - voir une note récente de Pitseleh sur Discobloguons-)

Franchement, qu'est-ce qui m'empêche dans ma charte des collections, d'acheter telle serie d'Heroic Fantasy chez Bragelonne, demandée par le public, plutôt que telle autre ?
Le respect de la pluralité, ma mission humaniste, ma conception de la qualité littéraire, la peur de devenir incohérent, de déséquilibrer mes achats, de bousiller mes quotas ? Evidemment non.

Simplement la sensation désagréable que je ne suis plus tout à fait maître du jeu. Des morpions s'agitent dans le fond de ma pratique.

Et là nous sommes bien loin du numérique, de la technique et de ses apports...qui resteront techniques.

Nous sommes dans des questions de mentalités, à un moment où Mère Urgence frappe à la porte.

Un détail, à ne jamais oublier : il n'existe pas de "communauté de lecteurs". C'est un de nos mythes.
Et une commodité. D'où le fait qu'il n'exprimeront jamais un questionnement cohérent. Nous devons donc, nous bibliothécaires de terrain,les re-conquérir un par un pour qu'ils comprennent que, finalement non, ils ne sont pas trompés, c'est ben une bibliothèque POUR EUX qu'on ouverte.

Pitseleh a dit…

Je sors justement de ma formation hebdomadaire pour le concours d'assistant qualifié... Et du public, on en bouffe à chaque sujet blanc. Rien sur les bibliothèques 2.0 mais encore et toujours la démocratisation culturelle, la démocratisation culturelle, la démocratisation culturelle. Avec des études d'articles professionnels qui feraient passer Pascal Nègre pour Alan McGee. Pitié. Le prochain qui prononce les termes de démocratisation culturelle en ma présence risque fort de se retrouver avec un démagnétiseur de VHS en travers du front.

Sinon la demande récurrente ces jours-ci consiste, tout simplement, à refaire totalement notre système électrique pour installer une prise permettant de brancher son ordinateur portable à chaque place assise. Pourquoi pas. Ca évitera que notre borne wi-fi se retrouve quotidiennement débranchée par un usager soucieux de recharger son Mac (notez que les mêmes viennent rapidement signaler "que l'Internet marche plus". Tu m'étonnes)

JC Brochard a dit…

Pitseleh,
Je ne suis pas sûr que le concept de Démocratisation culturelle recoupe exactement la notion de Politique orientée usagers et services, mais je trouve rassurant qu'on qu'on vous parle plus de public que de zones Unimarc en formation.

PS : Pascal Nègre, je vois, mais c'est qui ce Alan McGee ?

Pitseleh a dit…

Oh, pas de soucis avec le catalogage : la formation prépare au passage du concours, lequel concours n'est pas là pour évaluer les compétences professionnelles. Disons que l'on nous fait potasser les questions qui ont le plus de chances de tomber.

Quant à Alan McGee, il a entre autres fondé le label indépendant Creation et a découvert des groupes tels que My Bloody Valentine, Oasis, les Boo Radleys et Jesus & Mary Chains. Un flair hors du commun et un profil plus "passionné" que "gestionnaire".