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vendredi 14 décembre 2007

L'innovation en bibliothèque vue de la France profonde


L'autre jour, ma bibliothèque (celle que je fréquente assidument pour mon plaisir, pas celle où je travaille) a fait la une du journal local. La vraie une, en première page, avec affichette chez les marchands de journaux.
L'accroche était alléchante : "Avec Internet : la médiathèque à domicile !"
Etant donné que j'étais au courant du travail que venait de mener à bien la Médiathèque d'Epernay, je n'ai pas été égaré par cette accroche trompeuse. Je savais avant de le lire que cet article parlait de la réinformatisation toute récente de la médiathèque, avec une nouvelle version du SIGB et une nouvelle interface publique du catalogue accessible en ligne.
Après l'avoir lu, j'ai ressenti un certain malaise, surtout en découvrant l'argumentaire de l'adjoint à la culture de la ville :
« Avec ce système, nous allons contribuer à diminuer la fracture numérique, car les gens vont se familiariser avec cette culture. De plus, nous allons nous rapprocher d'un public qui voyait jusqu'ici une image des bibliothèques, vieillotte et poussiéreuse »
Autant je suis content de béneficier dans une ville d'une vingtaine de milliers d'habitants des services d'une médiathèque dynamique, animée et sympathique. Autant je suis heureux d'avoir récemment réalisé une de mes grandes ambitions en remportant pour la première fois le 1er Prix du blind-test de l'Espace Musique. Autant je trouve que l'OPAC qui nous est proposé est tout à fait correct, dans la bonne moyenne de ce qui se fait actuellement, avec juste une petite frustration : que la possibilité de se créer des alertes RSS sur ses recherches ne soit pas activée, alors que l'icone RSS dans la barre d'adresses laisse penser que c'est possible. Autant je trouve exagéré et trompeur de laisser entendre en 2007 que donner accès à des références de documents et à son compte en ligne, c'est donner accès à la bibliothèque elle-même, c'est contribuer à réduire la fracture numérique et c'est contribuer à améliorer l'image vieillotte et poussiéreuse des bibliothèques. Au contraire.
Je m'explique. Nous sommes en 2007, donc. Une famille de français moyens dispose d'un abonnement à l'ADSL à son domicile. La majeure partie des membres de la famille l'utilise pour télécharger de la musique, graver des films, faire ses achats en ligne, gérer ses comptes à distance, reçevoir la télé, tchatter, jouer en réseau,... La famille dispose de plusieurs téléphones portables qui lui servent à communiquer de presque partout en France, à prendre des photos, à les envoyer,... La dernière fois que j'ai vu ma nièce de 11 ans, elle tchattait en ligne avec sa meilleure copine et était en train de lui montrer sa dernière réalisation en scrapbooking grâce à une webcam. Quand j'avais moi-même 11 ans (il y a plus de trente ans !), toutes ces activités relevaient purement et simplement de la science-fiction !
Les médiathèques françaises, et en premier lieu les discothèques de prêt, sont désormais directement confrontées à l'entrée dans l'ère du numérique. Elles commencent à réfléchir à l'évolution de leurs prestations dans ce cadre mais, du fait notamment des contraintes légales liées à la propriété artistique, elles sont encore très peu nombreuses à avoir transposé certains de leurs services en ligne et à proposer de l'information ou des services à distance. Ce n'est pas en laissant entendre le contraire, contre toute évidence, qu'on rendra service aux bibliothèques et qu'on améliorera leur image d'innovation dans l'opinion publique.

4 commentaires:

Pottok a dit…

Je me suis refusé, jusque maintenant, à commenter l'un de tes posts, surtout lorsqu'ils concernaient l'établissement dans lequel nous travaillons. Mais là, je me sens plus libre de m'exprimer étant donné que je n'ai pas la moindre idée de ce que peut être la bibliothèque d'Epernay...Je soutiens tout à fait ton point de vue, il faut du concret pour les utilisateurs et surtout pas de la réthorique bon marché. Je constate que les BM sont toujours un outil de propagande électorale, c'est désolant et non productif. Mais attention, l'utilisateur a toujours le dernier mot, surtout sur le web... Les comparaisons sont aisées à mettre en oeuvre. Je crains que la loi sur l'autonomie des universités n'entraine les BU sur ces terrains improductifs !

Yvonnic a dit…

@jean-charles
Je confirme sur ce point :les BM sont toujours un outil de propagande électorale. Certaines meme ne sont QUE cela. Il suffit de regarder leurs budgets de fonctionnement pour s'en convaincre.

Sophie Bib a dit…

Bonjour,
Je suis curieuse de savoir en quoi consistait l'épreuve du blind-test de l'espace musique ?
Pouvez-vous nous en dire plus ?

JC Brochard a dit…

Sophie,
Les blind-tests sont des animations proposées environ deux fois par an par l'Espace Musique de la Médiathèque d'Epernay.
Pendant quelques jours, les bornes d'écoute sont réservées aux titres sélectionnés pour le test. Les participants, munis d'une feuille de questions, écoutent chacun des titres et tentent de répondre au mieux.
Le prochain blind-test, sur le thème des "tubes de l'été", aura lieu du 18 au 21 juin.
Pour en savoir plus, on peut contacter Aline à l'Espace Musique.